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bao i dao - tai chi chuan bao i dao - tai chi chuan


 

 

 

 


Bui Xuan Quang

Bùi Xuân Quang


Bùi Xuân Quang à découvert

Conversation avec quelques élèves proches

Quelques mots sur votre école et votre méthode, on voit sur Youtube : « Huang Sheng Shyan Tai Chi Chuan Paris Parma », alors c’est la méthode, l’enseignement de Maître Huang Sheng Shyan ?

Je n’ai pas connu Maître Huang, Patrick Kelly m’a transmis sa technique, certainement seulement une partie. Je suis reconnaissant à l’un et à l’autre. Tout ce que nous avons appris, n’est pas tombé du ciel.

Mais le vrai nom de notre école est BAO I TAI CHI CHUAN.

BAO I signifie « EMBRASSER l’UN », cela vient de l’expression « Le Saint Embrasse L’un Du Tao Te King », Le Livre de la Vertu, de Lao Tseu, le fondateur du Taoïsme.

Bien sûr, comme tous les pratiquants de l’école Huang Sheng Shyan nous suivons le principe transmis par les grands maîtres de la lignée Yang Chen Fu – Cheng Man Ching : CEDER – NEUTRALISER – EMETTRE, mais notre méthode vient d’une longue expérience de pratique. Je dois remercier d’abord Maître Tetsuji Murakami, premier professeur de Karatédo à venir enseigner en Europe, de m’avoir appris le karaté, mais surtout de m’avoir introduit à cette culture japonaise du devoir, de la responsabilité, et de la résistance aux grandes difficultés (ce qui m’a permis d’affronter des réalités hors du karaté), et aussi Pierre Lapébie (qui a appris l’Aïkido avec Maître Noro), un homme généreux qui a créé l’Aikijundo, un art du mouvement en union avec le partenaire.

Une méthode vient surtout d’une certaine compréhension de la vie, un enseignement ne peut être transmis que dans les principes de base. Chaque professeur est responsable de son propre enseignement, chaque pratiquant, à un moment donné, si l’enseignement est correct, est son propre maître.

J’ai beaucoup appris des personnes que j’ai croisées dans ma vie, pas nécessairement des maîtres, des professeurs, mais aussi des amis, des élèves, des gens rencontrés au hasard de la vie et qui ont des merveilles à vous offrir.

William Lionetti, un ancien élève, qui était champion du monde de Kempo et combattant au sommet du Jiujitsu brésilien est pour moi une source d’informations sur les combats de très haut niveau. Il me considère toujours comme son maître mais je ne sais pas trop ce que je lui ai appris réellement.

Et le système traditionnel comme nous le connaissons à travers histoires, légendes, et aussi des cours « classiques » ?

Je ne fais pas de jugement. Tout est possible. Je parle d’expériences, et de choix.

Un système rigide fait naître des jeux de pouvoirs, des sentiments sournois qui empêchent le développement harmonieux de la personne, promis et espéré au départ. L’élève débutant recherche une pratique qui le libère du système social et se retrouve, assez souvent, enfermé dans une sorte de secte qui ne dit pas toujours son nom.

Quelle que soit l’époque, quel que soit l’endroit, quelles que soient les capacités de l’élève, un enseignement de Tai Chi Chuan devrait avoir pour objectif de développer le potentiel du pratiquant, puis de lui laisser la liberté du choix de vie et de pratique.

BAO I TAI CHI CHUAN ?

Dans les années 60, 70 du siècle dernier, j’étais passionné par le Taoïsme, pas par ses grandes théories enseignées par ci par là, à la Sorbonne ou au Collège de France, juste le Tao Te King, le Livre De La Vertu, de Lao Tseu. Une attirance que je trouve maintenant étrange. J’ai donné à mon « école » de Karaté le nom de BAO I DAO car au chapitre 22 de ce fameux livre on peut lire : le Saint embrasse l’UN (Bao I signifie Embrasser l’UN). C’était de la pure intuition. Mes deux passions de jeunesse étaient totalement séparées, le Taoïsme et les arts martiaux n’ont aucun lien (pour moi, réellement). C’est très récemment que j’ai découvert l’ultime efficacité de la pratique du Tai Chi Chuan : SUIVRE LA NATURE. J’y ai mis un peu de temps, mais voilà. C’est au début un pont souterrain mais enchanteur qui réunit les deux mondes. Puis ce pont s’efface, les deux mondes s’unissent, l’art du combat se fond dans la nature pour s’ouvrir à la vie.

D’où votre méthode ?

Oui, c’est un peu cela. Ma méthode consiste à SUIVRE LA NATURE.

Ne nous écartons pas du chemin à cause de la tentation du discours philosophique et du langage fleuri : Le Tai Chi Chuan est un art de combat, vous êtes face à un ou à plusieurs adversaires. A ce moment précis, tout ce que vous avez pensé, pratiqué, dit, vécu, devrait vous aider à bien réagir, à trouver une issue disons honorable.

Mais nous n’avons pas la nécessité d’envisager une situation extrême, situation martiale, situation de vie ou de mort, ouvrons la pratique du Tai Chi Chuan à tous ceux qui désirent développer leur potentiel humain par la pratique de l’art du combat qu’est le Tai Chi Chuan.

Et la pratique du Tai Chi Chuan comme art de bien-être ?

Souvent, on utilise des mouvements du Tai Chi Chuan comme des exercices de santé, je dirai, pourquoi pas, on peut être maître de Tai Chi Chuan et thérapeute.

Quand on a vécu, on désire retarder la mort alors que les jeunes veulent avancer dans la vie. Les personnes âgées sont contentes quand on leur donne un âge inférieur à leur âge réel, par contre les jeunes veulent vieillir un peu, chacun d’entre nous, qui arrivons à la cinquantaine, ou à la soixantaine, connaissons bien cette frontière des deux âges. Le Tai Chi Chuan comme art de combat permet de reculer cette frontière en question. Mais tôt ou tard la santé prime sur tout le reste, cependant tant que le cerveau fonctionne l’art du combat progresse sans cesse.

Il ne faut surtout pas mélanger élèves et patients. Dans l’initiation d’un art, un élève pourrait rencontrer des difficultés de tout ordre, un maître digne de cette appellation tenterait alors de l’aider à les surmonter, par tous les moyens à sa portée.

Je ne connais pas de maîtres d’arts de combat acceptant de soigner des patients comme des médecins. Il en existe peut-être ?

Il faut laisser ce privilège aux médecins thérapeutes. Mais dans ce domaine très tendance au moment où je vous parle, la musicothérapie par exemple, les médecins thérapeutes de bonne foi devraient être un peu musiciens. Il ne suffit pas d’aimer Mozart pour pratiquer la Mozart-thérapie, aimer l’art pour pratiquer de l’Art-thérapie. Enfin, je crois, c’est juste une opinion très personnelle. Il vaut mieux être mozartien, ou artiste, avant de mettre en pratique ces spécialités assez compliquées. Mais tout ce que je dis pourrait être complètement faux dans certains cas. L’effet placébo, dans plusieurs domaines, pour l’instant inexplicable, reste à considérer.

C’est pour cette raison que des personnes avec quelques mouvements joliment exécutés, des mots retenus ici ou là, peuvent influencer ou aider plus ou moins les autres. Et gagner quelques sous.

En passant, il paraît qu’on masse les bœufs à Kobé, au Japon, et qu’on leur fait écouter de la musique, mais c’est pour manger leur viande. Cette thérapie-là, n’importe quel apprenti boucher pourrait la pratiquer. N’est-ce pas ?

Restons sérieux, dans notre école Bao I Tai Chi Chuan, Tiziana Castelluccio est professeur de Tai Chi Chuan et thérapeute, elle s’occupe des personnes atteintes de la maladie de Parkinson avec efficacité. La nature nous joue des tours. C’est un autre combat. Tiziana a des élèves de Tai Chi Chuan quand elle pratique le Tai Chi Chuan, et des patients atteints de la maladie de Parkinson quand elle est thérapeute. Bien sûr, j’admire et j’encourage cet engagement « humanitaire ». Mais attention, la confusion est très courante.

J’aime beaucoup l’ambiance de la pratique du Bao I Tai Chi Chuan à Parma, Fédéric Noharet a aussi ouvert une « école », et avec des amis de longue date, comme Gian Luca, ils pratiquent ensemble dans une atmosphère amicale qu’on ne voit que très exceptionnellement ailleurs, car s’il y a une concurrence, elle est laissée à sa place, c’est-à-dire, elle est normale, discrète et naturelle.

D’où le nom choisi, Bao I Tai Chi Chuan Paris Parma.

Et Paris ?

Je ne cite aucun nom, sauf celui de Michel Hsu qui m’a beaucoup aidé par ses expériences, et ses exigences « martiales ». Il m’a apporté ses connaissances du Systema.

Et le Systema ?

Peut-être le Systema est l’art martial véritable de notre époque, puisqu’on y parle de guerre, de souffrance physique, de torture, de la mort. Je respecte sans aucune retenue la méthode Systema, car le Systema respecte la nature humaine, la puissance de la douceur. Mikhail Ryabko est plus taoïste qu’il ne le croit.

Et Adam Mizner ?

Adam Mizner fait honneur au Tai Chi Chuan de Maître Huang Sheng Shyan. En 2012, lors d’un voyage en Thaïlande, j’ai cherché à prendre contact avec ses élèves de Chiang Mai, pas d’adresse, c’était impossible. Il avait un centre à Phuket mais je n’y passais pas.

En 2016, il donnait des stages à Paris, mais j’ai déjà choisi ma voie, elle est différente de la sienne. Mes élèves sont allés à ses deux stages parisiens. Il leur a fait une grande impression et ils ont appris beaucoup de choses avec lui.

Comment voyez-vous l’avenir du Tai Chi Chuan ?

Les uns cherchent à revenir aux sources, montrer que le Tai Chi Chuan est efficace, comme Wang Li Kun, (son niveau de combat est très bon et surtout, il est très sincère dans son discours, je pense que sa présence à Paris est un bienfait pour les pratiquants français du TCC ), ou comme Adam Mizner qui cherche son chemin au-delà des traces de Maître Huang. C’est tout à fait honorable. Des pratiquants de l’école Chen en Chine, sont des vrais combattants, des champions. Beaucoup par goût, en Allemagne ou ailleurs, restent dans le folklore, yin-yang, harmonie assez superficielle, new age et guitare, nous sommes passés par là dans les années soixante du siècle dernier, alors pourquoi mépriser le Tai Chi Chuan Vintage ? Maintenant, sur Internet, on voit beaucoup de choses, des performances réjouissantes dans tous les domaines, dans tous les styles. La championne du monde de Tai Chi Chuan mérite d’être engagée au Cirque du Soleil. Delphine Tran, la championne de France 2016 est admirable… Jamais un art de combat n’a offert à ses pratiquants des choix aussi variés et passionnants.

L’attitude et le travail de Mme Bian Zhiqin méritent notre admiration. Je vois, quant à moi, les traces du Lama Donrup Dorje qui est très loin devant nous.

Le Saint Embrasse l’UN. Il ne faut exclure personne. Sauf, peut-être, et c’est encore à discuter, les assassins et prédateurs qui ne respectent ni la personne humaine ni la vie.

Bùi Xuân Quang Paris 20 août 2017

P.S.: Toutes ces réponses ont été énoncées pendant les cours à Paris et à Parme.